Mon(Theatre).qc.ca, votre site de théâtre
Du 4 au 22 avril 2017, 20h, dernier samedi 15h
[MAL]heureuses
Texte et mise en scène Élodie Cuenot 
Avec Sophie Dion, Gabriel Fournier, Marie-Ginette Guay et Marie-Hélène Lalande 

Manuel est auteur et professeur à l’université. À la suite du décès de son ex-conjointe, il tente d’achever la biographie d’Asma El Assad (femme du dictateur syrien Bachar El Assad) qu’il avait entamée quelques années auparavant. Un ouvrage attendu puisqu’il conclut son triptyque entrepris sur certaines femmes de dictateurs, les deux précédents relatant la vie amoureuse et politique de Margherita Sarfatti (amante juive du dictateur italien Mussolini) et d’Elena Ceausescu (épouse du dictateur roumain Nicolae Ceausescu). Au fil de ses recherches et de ses questionnements, les figures féminines historiques et quotidiennes entourant Manuel s’entremêlent jusqu’à ébranler ses repères. Projetées dans un non-lieu, libérées de toutes contraintes et de certains enjeux, ces femmes apparaissent sous un nouveau visage. Faisant voler en éclats toutes les limites, elles laissent, dans leur sillage, plus de questions que de réponses. Jusqu’à ce que l’histoire rejoigne la réalité de Manuel.


Assistance à la mise en scène : Edwige Morin
Oeil extérieur : Kevin McCoy
Directrice de production : Laurence Croteau Langevin
Graphisme : François Angers
Conception : Mathieu C.Bernard, Nathalie Côté, Keven Dubois et UBERKO

Prix courant : 27 $
30 ans et moins - aînés : 21 $
Groupe (15 personnes et plus): 17 $
4 billets : 80 $
6 billets : 100 $
8 billets : 120 $

Une production CARGø Théâtre


Section vidéo


Premier Acte
870, de Salaberry
Billetterie : Réseau Billetech 418-694-9656
ou lepointdevente.com
Youtube Facebook Twitter
 
______________________________________
            
Critique

Auteur et professeur à l’université, Manuel tente d’achever la biographie d’Asma El Assad (femme du dictateur syrien Bachar El Assad), ouvrage qui conclut son triptyque entrepris sur certaines femmes de dictateurs, les deux précédents relatant la vie amoureuse et politique de Margherita Sarfatti (amante juive du dictateur italien Mussolini) et d’Helena Ceaușescu (épouse du dictateur roumain Nicolae Ceaușescu). Les trois personnages habitent littéralement l’esprit de Manuel, s’entremêlant aux femmes de sa vie : sa mère, sa maîtresse, et sa femme, Caroline. Jusqu’à ce que la fiction rejoigne la réalité de Manuel.




Crédit photos : Cath Langlois Photographe

D’entrée de jeu, rappelons que Premier Acte a comme mandat de favoriser la diffusion d'œuvres théâtrales issues d'artistes ou de regroupements professionnels dits de la relève. C’est donc à une oeuvre naissante qu’on nous invite à assister, mais qui comporte suffisamment d’éléments forts pour qu’on en devine le potentiel. Le texte et la mise en scène sont signés Élodie Cuenot, et les pistes narratives et de mise en scène sont multiples.

Marie-Ginette Guay et Sophie Dion, toutes deux trop rares sur les scènes de Québec, nous donnent un aperçu de leur solide talent. Elles brillent littéralement, et jonglent avec le texte et les changements de personnages avec habileté. C’est un plaisir pour le spectateur de les suivre, mais aussi une arme à deux tranchants, puisque la pièce, d’une durée de 1h50, comporte plusieurs détours et longueurs qui gagneraient à être élagués. Or, certaines scènes de Marie-Ginette Guay allongent justement le récit, bien qu’elles soient absolument savoureuses – ce sera un choix crève-coeur à faire.

Si l’astuce des personnages de roman qui s’invitent chez leur auteur a déjà été utilisée, elle demeure ici intéressante, car elle s’inscrit dans la relation homme-femme qui tisse la pièce : la relation des femmes de dictateurs avec Manuel, leur relation avec leur mari, la relation de Manuel et de Caroline. Pouvoir, amour, sexe, haine, et tour à tour espoir et trahison : on aimerait que (MAL)heureuses puisse creuser encore davantage cet aspect, car la réflexion suscitée est riche et toujours d’actualité. La pièce possède une signature sensuelle et émotive qu’on aimerait voir exploitée davantage.

La deuxième moitié de la pièce est alourdie par l’aspect historique, qu’on sent encore un peu forcé, comme plaqué là, pour justifier l’art – c’est à partir de là que le tout gagnerait à être resserré. Il faut savoir que plusieurs projections de faits historiques et de textos sur des surfaces variées sont parfois difficiles à suivre en raison de la configuration à plafond bas de la salle, et des estrades disposées en face à face qui forcent les spectateurs à chercher ces projections à gauche et à droite, plutôt que de les voir directement devant eux.

La musique, signée Uberkö, tranche avec plusieurs parties de l’oeuvre, alors qu’elle se marie parfaitement à d’autres. Elle possède justement tout le côté planant et aérien qui mettrait en valeur le côté relation homme-femme de la pièce. Utilisée presque comme une ponctuation, on aurait souhaité que ce choix, somme toute audacieux, soit davantage assumé et exploité. Entre autres, les dialogues se font tous sur fond silencieux – un habillage sonore pourrait venir envelopper les mots de belle façon.

Malgré tout cela, on peut déceler la promesse de (MAL)heureuses, comme une adolescence sur le point de prendre son envol. On peut facilement soupçonner que la distribution prendra de l’assurance au fil des représentations, comme elle l’a fait au fil de la première. Et on se prend à se demander ce qu’une deuxième mouture de la pièce pourrait donner : comme un bon vin, (MAL)heureuses est une pièce qui mûrira bien, et on espère pouvoir en savourer un prochain millésime.

06-04-2017