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Du 11 novembre au 9 décembre 2015
Dates public (en soirée) : 13-19-20-21-26-27-28 novembre, 3-4-5 décembre 2015
MünchhausenMünchhausen, les machineries de l'imaginaire
D'après les aventures véritables et véridiques du baron de Münchhausen
Adaptation et mise en scène Hugo Bélanger
Avec Félix Beaulieu-Duchesneau, Éloi Cousineau, Bruno Piccolo, Carl Poliquin, Audrey Talbot et Marie-Ève Trudel

Grand fabulateur devant l’éternel, digne descendant de Don Quichotte et du Capitan de la commedia dell’arte, ancêtre du Capitaine Bonhomme et grand cousin de Cyrano, Münchhausen symbolise la quintessence du pouvoir de faire rêver. Les histoires du Baron sont surnaturelles, extravagantes, impossibles, insensées, et pourtant, à l’écoute de ses exploits, on se laisse envahir par ses idées absurdes et le désir d’y croire l’emporte sur tout le reste. Pour un voyage sur la Lune, une visite au centre de la Terre, un vol sur un boulet de canon et une immersion au plus creux des océans, ce baron allemand devenu un mythique personnage de fiction, est l’homme à suivre.

Créateur de nombreux spectacles fabuleux tels La Princesse Turandot et L’Oiseau vert, le Théâtre Tout à Trac, avec au gouvernail Hugo Bélanger, est l’une des rares compagnies à s’immiscer avec beaucoup de précision et de finesse dans les mondes du rêve, de l’illusion et du faux-semblant avec des histoires aussi farfelues qu’elles sont des odes à l’intelligence. Après les films de George Méliès et de Terry Gilliam, voici la vision scénique que porte Bélanger sur l’incroyable Karl Friedrich Hieronymus, baron de Münchhausen.


Section vidéo


Concepteurs Patrice d'Aragon, Véronic Denis, Francis Farley-Lemieux, Marie-Pier Fortier, Geneviève Gagnon, Martin Gauthier, Maryse Gosselin, Dominique Leroux, Catherine Tousignant et Michel Tremblay

Samedi 21 novembre après le spectacle: Rencontre avec les artistes

Durée : 2h20 avec entracte

Une production Tout à trac


Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : (514) 253-8974

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Dates antérieures (entre autres)

Du 14 au 29 janvier 2011 - Théâtre Denise-Pelletier

 
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Critique

Crédit photo : Frédéric Bouchard

En ces temps où les gens ne veulent plus entendre parler que de la triste réalité et où celle-ci prend souvent le pas sur l’imagination, il fait bon voir une production comme celle proposée par le Théâtre Tout à Trac reprendre place sur la scène montréalaise.

Présentée ces jours-ci au Théâtre Denise-Pelletier, Münchhausen – Les machineries de l’imaginaire est une ode à ce que l’esprit humain fait de mieux : imaginer. Cette production créée en 2011 et inspirée par les aventures du baron fait merveille.

Pour son adaptation, le metteur en scène Hugo Bélanger reprend le flambeau de la famille Galimard qui  a tenu, sur près de deux siècles, à faire entendre les aventures du baron de Münchhausen. Dans le magnifique cadre de scène signé Francis Farley-Lemieux, la troupe d’acteurs de Galimard et fils s’active pour raconter, malgré la décrépitude avancée de son théâtre, les aventures véritables (et rocambolesques) du baron de Münchhausen. Toute la troupe? Non, la fille de Galimard rejette les fabulations et s’attache au rationnel, à la science, à ce qu’on peut prouver. Elle n’est pas la seule à mettre des bâtons dans les roues de la troupe : un personnage inquiétant cherche à faire fermer le théâtre… et un vieil excentrique proclamant être le véritable baron interrompt soudain la représentation.

Dans la peau de ce personnage haut en couleur, Félix Beaulieu-Duchesneau captive tous les regards, sur scène et dans la salle. Juché sur ses escarpins et vêtu de son tricorne, le comédien impressionne aussi par sa carrure, qui sied parfaitement à l’imposant baron. Il est entouré de comédiens qui jonglent habilement entre différents rôles pour incarner les divers personnages des histoires, des compagnons de voyage jusqu’à la Lune en personne en passant par Vulcain et Vénus. Éloi Cousineau se démarque tout particulièrement dans le rôle du Grand Truc (aucune typo ici). Toujours à la limite du cabotinage, le comédien maîtrise l’art du regard et du sourcil levé ; il est hilarant.

La mise en scène hautement ludique d’Hugo Bélanger recèle de nombreuses et heureuses trouvailles qui impressionnent le public. Après tout, le metteur en scène et le baron sont tous deux de grands inventeurs qui prennent plaisir à bâtir leurs histoires et à nous embarquer avec eux. Bélanger s’emploie à montrer d’un côté la magie de l’imaginaire et du théâtre et de l’autre, toute la machinerie des coulisses, tous les trucages du théâtre (décors, marionnettes, éclairages, masques, trappes, poulies et contrepoids). Ce sont là les armes avec lesquelles le théâtre repousse les frontières du réalisme. Quel meilleur cadre que celui de la scène pour laisser toute la place aux mondes et aux aventures imaginaires? Quel endroit plus adéquat qu’une scène pour faire accepter toutes les conventions, même celle qui statue que tomber dans la lune est le meilleur moyen pour voyager dans l’espace ou qu’on peut courir en dix minutes de l’empire du Grand Truc jusqu’en Allemagne, et en revenir!, avec une bonne bouteille de vin.

Spectacle aussi coloré que son personnage central, Münchhausen est une magnifique leçon de théâtre, toute désignée pour le public adolescent, et une pause de l’actualité plus que bienvenue pour les grands.

17-11-2015



par David Lefebvre (critique publiée en 2011


Crédit photo : Frédéric Bouchard

Le Théâtre Tout à trac persiste et signe. Après L’Oiseau vert et La Princesse Turandot, le génial Hugo Bélanger s'attaque à gros, non, à un véritable (hum) monument des personnages historico-légendaires de l'humanité : Karl Friedrich Hieronymus, dit Baron de Münchhaussen. De ce côté-ci de l'Atlantique, le célèbre baron est essentiellement connu grâce au film du réalisateur Terry Gillian, The Adventures of Baron Munchausen (1989), sous les traits de John Neville. Mais en Europe, il est une grande figure des histoires fantastiques des derniers siècles.

Même si Karl Friedrich Hieronymus a réellement vécu et raconté ses histoires durant des années, c'est plutôt celles, remaniées, des écrivains Rudolf-Erich Raspe et Gottfried August Bürger qui se rendent jusqu'à nous. Münchhaussen est un menteur hors-pair, un conteur né. Il sort vivant du ventre d'un kraken, sauve Catherine de Russie des griffes d'un sultan turc, non, truc, se dirige vers la lune pour rencontrer ses habitants, les Sélénites, ainsi que leur Impératrice, puis l'Horloger du monde. Il descend tout près des enfers pour rencontrer Vulcain et danser dans les bras de Vénus. Il est l'étincelle du rêve, il séduit l'âme et le coeur des spectateurs avec ses histoires plus extraordinaires les unes que les autres ; c'est l'évasion.

La rencontre entre Hugo Bélanger et Münchhaussen était, pour ainsi dire, inévitable. L''homme de théâtre avait abordé le personnage lors d'un premier spectacle pour La Roulotte, il y a quelques années. Pour cette nouvelle version, l'auteur et metteur en scène a fait table rase : au lieu d'adapter simplement les nombreux récits de l'aristocrate, Bélanger décide plutôt de plonger dans l'abyme : le théâtre au théâtre. Il s'inspire finalement d'une troupe réelle française, Galimard & fils, qui a joué sur scène durant cinq générations (200 ans!) les contes du baron. Plus précisément, Bélanger recrée, à sa manière, la toute dernière représentation de la troupe, en 1974. On dit que plusieurs événements inexpliqués se seraient produits lors de cet ultime spectacle, jusqu'à en interrompre le déroulement. Une prémisse parfaite pour redonner à Münchhaussen ses lettres de noblesse et aborder la puissance et l’importance de l’imaginaire dans notre société si structurée, conformiste et conservatrice. Hugo Bélanger s'amuse, dans son adaptation, à prendre discrètement position et à multiplier les clins d'oeil aux grands philosophes, physiciens, écrivains et même à notre propre Baron québécois, le Capitaine Bonhomme. Nous sommes confondus!

Comme l'indique bien le titre, Bélanger nous entraîne dans les machineries de l'imaginaire : le décor s'ouvre sur les divers cordages, poulies et poutres qui recréent sur scène un plateau sophistiqué. L’installation est vieillot, même dangereux ; l'époque est incertaine, on navigue entre le 18e et le 20e siècle. Les trucages et effets spéciaux sont apparents, la manipulation des nombreux engins, treuils et éléments de décor amusent et charment délibérément le public. Pour s'assurer du bon fonctionnement du spectacle, il fallait absolument une équipe solide, touche-à-tout : Bélanger fait ainsi appel à plusieurs comédiens qu'il a dirigé ou avec lesquels il a travaillé de près ou de loin, soient Eloi Cousineau (Galimard), Carl Poliquin (Albert, Friedrich, juge, marchand de sable), Philippe Robert (Eugène, Bertold, Vulcain), Audrey Talbot (Sarah) et Marie-Ève Trudel (Annette, Impératrice, Vénus, la Mort). Si Éloi Cousineau est un excellent maître de scène, à la gestuelle magnifiée et comique, que Carl Poliquin et Philippe Robert sont tout simplement magnifiques dans leurs différents rôles, Audrey Talbot et Marie-Ève Trudel ont le mandat d’interpréter des rôles très significatifs. La première, Sarah, s'accroche à la logique et ne veut pas croire aux histoires du baron. Représentante d'une jeunesse cartésienne, lisant Newton plutôt que Shakespeare, elle se laissera pourtant emporter par les péripéties de Münchhaussen. Le spectateur adolescent verra en elle son miroir, une personne qu'il peut choisir d'être, soit une jeune personne qui doit décider si être adulte signifie ou non la fin des rêves et d’une certaine folie. L'autre personnage, la Mort, revient à quelques reprises hanter le bon baron. Elle est le rejet des idées, de la magie, de l'imaginaire, elle veut en faire un vieux fou, que l’on doit oublier. Mais le rêve ne s'écarte pas du revers de la main.


Crédit photo : Frédéric Bouchard

Si le concept de la machinerie prend une plus grande place lors de la première partie, le fantastique s’impose en deuxième moitié ; les comédiens ne sont plus seulement comédiens, mais des personnages à part entière des récits du baron. Le jeu s’avère donc très physique, et toute la troupe performe de manière époustouflante, méritant les applaudissements de la salle qui se font entendre à quelques reprises avant la fermeture du rideau. Si quelques tournures dans l'histoire peuvent paraître incongrus, voire commode, elles ne font qu'accentuer la candeur d'une magie à portée de tous et toutes.

Du pur bonheur, qu’est ce Münchhausen – les machineries de l’imaginaire. Intelligent, divertissant, le Théâtre Tout à trac crée, encore une fois, un classique qu'il faut voir et revoir. Et qui sait, peut-être arrivera-t-il quelque chose d'étrange et farfelu durant la représentation...

15-01-2011