Passionné de musique, Polo, garçon de bonne famille, a fondé un groupe de rock avec ses copains d’université. Lors d’un concert prometteur et sous l’influence de deux jumeaux pervers, tout dérape. Vingt ans plus tard, Polo croise Blanca et, avec elle, ce passé trouble qui le dévore de l’intérieur reprend forme. Adapté par Denis Lavalou du roman impitoyable de Javier Gutierrez, Un si gentil garçon raconte, sans voyeurisme, une brûlante histoire lovée au cœur des milieux musicaux des années 90 mais qui percute de plein fouet notre actualité.
Formé comme interprète et dramaturge à Paris, puis comme metteur en scène au Conservatoire d’Art Dramatique de Montréal, Denis Lavalou est metteur en scène, auteur, interprète, enseignant, dramaturge ainsi que directeur général et artistique du Théâtre Complice à Montréal.
D'après le roman espagnol contemporain de Javier Gutiérrez
Adaptation et scénographie Denis Lavalou
Mise en scène Denis Lavalou et Cédric Dorier
Avec Jean-François Blanchard, Manon De Pauw, Cédric Dorier, Joëlle Fontannaz, Hubert Proulx, Inès Talbi
Crédits supplémentaires et autres informations
D’après le romain de Javier Gutierrez UN BUEN CHICO (Un si gentil garçon) paru en 2012 en Espagne aux éditions Mondadori et a été traduit en français par Isabelle Gugnon pour les éditions AUTREMENT en 2013
Collaboration artistique Cédric Dorier
Musiciens Jérémi Roy (claviers), Daniel Baillargeon (guitares), William Côté (batterie)
Assistance à la mise en scène et régie générale Camille Robillard
Conseillère à la dramaturgie et au mouvement Marie-Josée Gauthier
Images Manon De Pauw
Lumières Stéphane Ménigot
Compositeur musique Jérémi Roy
Costumes, assistance à la scéno Marianne Thériault
Design sonore Julien Éclancher
Régie son François Thibault
Maquillage coiffure Katrine Zingg
Crédit photo Jean Scheim
Du mardi au vendredi 20h, samedi 16h
Durée 1h35
Tarifs
Régulier 33$
Aîné 30$
Réduit 28$
Coproduction Théâtre Complice (Montréal, Qc, Canada) / Les Célébrants (Lausanne, Suisse) et Théâtre du Grütli (Genève, Suisse)
Résidences de création (2015 & 2017) et
Coprésentation USINE C (Montréal, QC, Canada)
«La gentillesse est le plus beau des déguisements, le plus cruel aussi», a écrit l’auteur espagnol Javier Gutiérrez dans son roman Un si gentil garçon, dont la coproduction du Théâtre Complice de Montréal et des Célébrants de Lausanne en Suisse tente d’extirper suffisamment de matière dans cette transposition scénique à l’Usine C. Pourtant, la proposition théâtrale multidisciplinaire orchestrée par Denis Lavalou emprunte de nombreux détours sans arriver à un résultat concluant.
Dirigé par Lavalou, le théâtre Complice a souvent démontré une filiation avec des œuvres littéraires dont une adaptation d’Émily L., un ouvrage méconnu de Marguerite Duras, du Nathalie Sarraute ou encore par une relecture de l’un des maîtres de la désobéissance civile, Henry David Thoreau (Les Hivers de grâce de Henry David Thoreau). La présente production s’inspire d’un roman d’abord paru en espagnol en 2012 et traduit en français l’année suivante.
Durant environ 90 minutes, la pièce raconte la descente en enfer de Polo, un mélomane issu d’une famille responsable et fondateur d’un groupe de rock avec ses amis durant les années 1990. Or, lors d’un concert, tout dérape, à cause de l’utilisation de substances illicites, et surtout la fameuse drogue du viol. Vingt ans plus tard, par hasard dans une rue de Madrid, Polo (maintenant connu sous le nom de Rubén) revoit une de ses connaissances féminines, entraînant la résurgence de souvenirs qu’il a tenté plus que tout de refouler ou d’effacer de sa mémoire.
En plus des cas d’abus sexuels qui défraient la manchette autant au Québec qu’à l’étranger, les scènes de la métropole connaissent également bien des histoires autour d’agressions comme la très poignante Nuit du 4 au 5 de Rachel Graton, ou indirectement sur des allusions sexuelles comme dans Savoir compter de Marianne Dansereau.
Les premières minutes s’amorcent avec plus ou moins de bonheur. Accompagné live par les trois musiciens Jérémi Roy (claviers), Daniel Baillargeon (guitares) et William Côté (batterie), l’acteur principal de l’aventure, Cédric Dorier, s’avance seul vers le micro sur une scène légèrement surélevée à l’arrière. Pendant que le trio s’exécute dans des sonorités légèrement jazzées (et plus tard dans du rock plus alternatif) côté jardin, il peine à faire entendre sa voix dans sa confession douloureuse. Le texte se perd donc dans un ensemble hétéroclite, créant ainsi une distance avec un thème qui aurait mérité une amorce plus percutante. Un peu plus tard, lorsque l’interprète se retrouve sans aucun support auditif, l’émotion se pointe le bout du nez. Dans ce jeu de confrontation entre les vérités enfouies et les mensonges, les meilleures scènes demeurent celles des échanges entre le protagoniste tentant de retirer certains de ses «déguisements» et son psychologue (un très solide Jean-François Blanchard). Par leur ton franc dénué de distraction, elles rappellent le duel de Being at home with Claude de René-Daniel Dubois. Durant ces moments, tout le talent de direction d’acteurs de Lavalou se déploie par sa rigueur à exposer les tensions sous-jacentes de l’intrigue.
Conçue par le metteur en scène, la scénographie se révèle très intéressante pour les yeux, comme les éclairages clair-obscur près de l’esprit du mouvement expressionnisme du début ou encore l’apparition d’un rouge flamboyant qui évoque certains tableaux du peintre états-unien Mark Rothko. De plus, sur l’écran en fond de scène, nous voyons des effets visuels créés simultanément par Manon De Pauw, assise côté cour. Celle-ci utilise divers matériaux dont de la fumée et de la poudre blanche. Grâce à elle, quelques pointes plus lumineuses surgissent à l’occasion dans cette trame dramatique souvent très noire. Par ses jeux de lumière, deux ou trois petites séquences ressemblent même à des génériques d’émissions télévisées d’une autre époque.
Les Hivers de grâce de Henry David Thoreau, une précédente réalisation du Théâtre Complice, manquait de clarté pour rendre les nuances du texte poétique. Ici dans Un si gentil garçon, le récit sombre souvent dans la confusion, perdant ainsi de sa lisibilité. Le traitement aurait gagné à mieux harmoniser ses diverses composantes, malgré la dimension voulue de rendre palpable une sorte de chaos. Car il aurait été intéressant de mieux discerner le point de vue de l’agresseur (moins entendu que ceux des victimes) dans ses regrets, ses errances et ses contradictions, un point de vue trop éparpillé qui ne va pas au bout de son potentiel de cruauté.
Pour les nostalgiques de la décennie 1990, des allusions à des artistes marquants comme Tricky, Jane’s Addiction et Nirvana (son emblématique album Nevermind) titilleront leurs oreilles. Parmi la distribution, mentionnons la présence énigmatique du doué Hubert Proulx avec son blouson de cuir et son regard ténébreux qui annonce les extraits entendus, comme un fantôme du passé.
Autrement, Un si gentil garçon ouvre trop de portes pour susciter de plein fouet la réflexion espérée sur un enjeu aussi atroce. Malgré le sentiment possible d’égarement devant ce spectacle, des spectatrices et spectateurs ont chaleureusement applaudi l’équipe à la tombée du rideau.
13-11-2017