Une fille déballe son sac devant le public. Au sens propre comme au sens figuré. Une sorte d’inventaire à la Prévert qui commence toujours par « moi j’aime bien… ».
Dans ce sac, c’est toute sa vie qu’elle étale sous nos yeux. Et il n’y a pas grand-chose! Mais le peu qu’il y a, c’est loin d’être banal….Au fur et à mesure de ce déballage, le public devient témoin ou complice d’un coup monté par cette fille avec un compagnon d’infortune. C’est cocasse, savoureux et très inusité…
Création lumière, régie et direction technique Jean Huleu
Création musique Catherine Pavet
Création costumes et accessoires Sabine Siegwalt
Direction de production et direction de tournée Agnès Carré
Photo De Montais
Le texte est publié aux éditions Les Solitaires Intempestifs
Durée 40 minutes
Production Compagnie pour ainsi dire (France)
Usine C
1345, avenue Lalonde
Billetterie :
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Le dramaturge français Philippe Dorin a connu jusqu’ici des rencontres appréciées avec les scènes québécoises. En plus d’une charmante production québéco-ontarienne (Et voilà un beau dimanche de passé!), également à l’affiche durant la présente édition des Coups de Théâtre, le public montréalais a également le privilège de voir une irrésistible production qui nous vient de l’autre côté de l’Atlantique, soit Deux mots ! à l’Usine C.
Le spectacle de la Compagnie pour ainsi dire focalise sur l’essentiel de l’art théâtral, soit un personnage (ici une fille dynamique avec un sens inimitable de la répartie), un texte percutant et quelques objets (principalement une simple chaise). Pendant environ 35 minutes, nous écoutons et regardons avec attention un monologue écrit spécialement pour la comédienne Catherine Pavet. Mais avant que celle-ci embrase les planches, Dorin prend gentiment la parole afin de s’excuser si certains mots plutôt «franchouillards» restent incompréhensibles à nos oreilles.
C’est en lançant «deux mots» que la narratrice amorce son solo. Vêtue d’une veste en jeans et d’une jupe rose et blanc, l’actrice dépose sur le sol sa chaise qui ressemble à une autre semblable de sa maison («qui ne bouge pas dans le coin, elle est très gentille») et nous entretient de ses joies, de ses doutes et de ses déboires affectifs. À l’exception de quelques réflexions un peu plus graves (dont de brèves allusions sur le monde du travail), le ton explore davantage le comique relié aux désagréments de la vie. La jeune femme prend dans ses bras son imposant sac («qui ne fait pas trop sac», nous dit-elle d’emblée) pour en sortir de nombreux accessoires parfois surprenants. Autant au sens métaphorique que littéraire, elle vide son sac. Parmi ces objets, mentionnons une mise en demeure conservée précieusement. La simple présence du document papier expose tout l’absurde d’une situation pourtant peu rigolote («pour elle qui aime se qualifier de demeurée»), où le mot «demeure» signifie surtout un avis d’expulsion. Et tout à coup, la jeune femme prend dans son fourre-tout (incluant aussi une barre multiprise, un carnet et une tasse de porcelaine qu’elle fracasse sans honte), un véritable poussin qui se permet des pépiements et quelques déplacements, sans déstabiliser sa «partenaire de scène». Même un pistolet, dont la détentrice se permet de tirer un coup dans les airs sans aucune gêne, apporte quelques moments de tension supplémentaire.
Tout comme dans Et voilà, la pièce bénéficie de la participation d’un technicien de scène. Il s’agit ici d’un garçon qui ne prononce aucune parole et qui effectue, entre autres, une apparition pour représenter les compagnons d’infortune de la conteuse (dont les relations «s’enfilent les unes à la suite des autres»). Lors du dénouement, le roadie, casqué cette fois-ci, lui installe avec soin les différents morceaux d’une batterie, permettant à l’actrice d’en jouer et de se déchaîner brièvement avant la tombée du rideau. Nous voyons alors se propager un nuage de fumée et des éclairages aveuglants comme dans un show rock.
Dans une langue imaginative remplie de phrases cocasses qui auraient certainement plu à un Jacques Prévert, l’écriture de Philippe Dorin suscite l’intérêt du début à la fin. Elle s’incarne parfaitement dans la voix et le corps de Catherine Pavet, une interprète merveilleuse par sa justesse et sa sensibilité. Puisant à la fois dans l’humour des petites tragédies quotidiennes que dans des pointes sarcastiques, cette artiste nous donne énormément de plaisir. À l’exception du segment final avec ces quelques mesures tonitruantes, aucune musique ne s’insère entre elle et le public. Ainsi, avec plus que Deux mots !, et beaucoup de ferveur, la pièce nous atteint en plein cœur et laissera sûrement chez certains des traces indélébiles.