Dana Michel est inimitable. Unique. La chorégraphe ne danse presque pas : elle ose, risque et invente son propre langage corporel à partir de questionnements sur ses racines caribéennes. Son œuvre étrange et décalée ainsi que son audace et son imagination sans limite ont su rallier la scène internationale qui la sollicite de plus en plus. Il n’y a aucun doute : l’artiste montréalaise magnétise le monde de la performance contemporaine.
Dans la foulée du très remarqué Yellow Towel, Mercurial George traque et transforme le banal, provoque le malaise. Avançant à travers les tas de débris qui restent après des fouilles dans la marginalité et les héritages culturels, Dana Michel présente un solo déstabilisant. Le corps vacille, cherche ses appuis. Étirant le temps dans une gestuelle minimaliste et déconstruite, elle devient archéologue d’elle-même. Bizarre, mais aussi franchement drôle, son univers baigne d’une naïveté de l’enfance et d’un mystère sacré. Intuitive, libre et dissidente, Dana Michel casse les moules et déplace les regards.
Dana Michel (Montréal)
Originaire d’Ottawa, Dana Michel est aujourd’hui installée à Montréal. Ex-sportive professionnelle, elle est diplômée du programme de danse contemporaine du BFA de l’Université Concordia. En 2013, elle signe Yellow Towel, un solo acclamé par la critique, présenté en première au FTA, qui la propulse sur la scène internationale.
L’œuvre a figuré dans le top dix du magazine new-yorkais Time Out et un prix spécial a été accordé à l’artiste au prestigieux festival ImPulsTanz de Vienne pour souligner l’excellence de sa production artistique. Michel a aussi été nommée dans le palmarès des meilleures performeuses en 2014 par le New York Times. Ses productions ont été présentées dans plusieurs villes d’Amérique du nord, d’Europe et du Royaume-Uni. Elle a été artiste en résidence à l’Usine C et à Dancemakers depuis 2015. Depuis les deux dernières années, elle a présenté quelques étapes de travail de ce qui forme ce nouveau spectacle baptisé Mercurial George.
Menant une quête très libre et instinctive sur la marginalité et sur son identité de femme noire, Dana Michel poursuit dans Mercurial George sa recherche entamée avec Yellow Towel. L’artiste travaille autour d’un corps en déséquilibre, d’une gestuelle maladroite, comme autant de structures vacillantes autour d’un malaise identitaire. Déstabilisants et anti-conventionnels, ses solos sont remarqués pour leur intelligence et leur esprit libre. Créant un monde complexe, unique, à l’humour incisif, la performeuse compose une œuvre hors-norme à surveiller assurément.
Section vidéo
Lumières Karine Gauthier
Élan artistique Martin Bélanger, Peter James, Mathieu Léger, Roscoe Michel, Yoan Sorin
Conseil sonore David Drury
Photo Sammy Rawal
Durée : 1 h
Tarif 25 $ à 30 $
Création au FTA, Montréal, le 2 juin 2016
Coproduction Festival TransAmériques, Tanz im August (Berlin), CDC Atelier de Paris-Carolyn Carlson, ImPulsTanz Vienna International Dance Festival, Chapter (Cardiff)
Résidences de création Usine C, Dancemakers – Centre for Creation (Toronto), ImPulsTanz Vienna International Dance Festival, Actoral – La Friche Belle de Mai (Marseille), CDC Atelier de Paris-Carolyn Carlson, Woop (Douarnenez)
Théâtre La Chapelle
3700, rue Saint-Dominique
Billetterie : En ligne : fta.ca
Par téléphone
514 844 3822 / 1 866 984 3822
En personne :
La Vitrine, billetterie officielle du FTA* -
2, rue Sainte-Catherine Est (métro Saint-Laurent)
*En personne, les billets pour les spectacles présentés à la Place des Arts ne sont pas en vente à La Vitrine, mais exclusivement à la PDA.
Avec Yellow Towel, son précédent solo créé au FTA en 2014, Dana Michel se jouait des stéréotypes associés à la négritude, en se penchant notamment sur les clichés des publicités et les danses africaines telles que représentées en occident. Avec Mercurial George, elle poursuit sa démarche identitaire, partant encore une fois de malaises ressentis (telle sa peur des singes, venue de son enfance) et d’une curiosité bien personnelle. Les deux spectacles se travaillent et s’apprécient dans une grande lenteur qui les rapproche de la performance. Une performance ancrée, encore plus précisément dans le cas de Mercurial George, dans un corps qui semble par moments échapper au contrôle de son possesseur.
Dans la salle du théâtre La Chapelle, on entend bien avant de voir ce corps, celui de Michel, à demi nu. On entend les frottements de tissu contre le sol, les mouvements désordonnés du corps qui se traîne, tout tendu pour atteindre un matelas et quelques maigres possessions, dont trois grands sacs de plastique dans lesquels elle se glisse ou desquels elle tire différents objets. Très rapidement, la chorégraphie erratique, mais superbe et parfaitement maîtrisée, évoque les gestes saccadés et répétitifs de l’autiste ou de certains itinérants atteints de maladies mentales. Michel place son corps, parcouru d’un réseau de tics impressionnant, dans toutes sortes de positions, jamais satisfaite, jamais confortable.
Tout en occupant une portion réduite de l’espace, l’artiste parvient à concentrer tous les regards sur elle, par ses gestes, ses vocalises (desquelles surgit à l’occasion un mot distinct, vif comme l’éclair) et les différents sons produits par les objets qu’elle déplace. Amplifiés et magnifiés par micro, ils fascinent le personnage, qui les répète à plusieurs reprises, jusqu’à créer un effet hypnotique sur le public et lui-même. Cette identité s’efface tandis que l’artiste disparaît presque en coulisse pour revêtir un grand manteau de fourrure. Toute la gestuelle de Michel se modifie alors, et on tangue avec cette femme, sorte de petite reine de la rue. Puis, l’identité évolue encore, et on la suit dans un cocon, sorte de tente étroite, où elle s’enferme pour faire un discours. Mercurial George nous fait ainsi côtoyer une faune hétéroclite, une foule de corps aux mouvements bizarres, que l’artiste fait naître avec une fluidité admirable. Quelques éléments de costume très simples (des bas collants blancs, un manteau qui avale tout son corps, un bonnet, des souliers de course bien trop grands) rappellent l’allure des marginaux que Michel côtoie chaque jour dans le quartier qu’elle habite, Centre-Sud, et qui, selon son propre aveu, la fascinent et l’inspirent.
Tout en ne parlant pour ainsi dire pas de toute la performance, sinon par mots épars dont le sens ne semble pas avoir tant d’importance, Michel offre une prise de position politique et poétique, vibrante et assumée, en nous faisant voir un pan marginalisé de la société. En dépit de quelques longueurs, qui incitent l’esprit à vagabonder, Mercurial George est l’œuvre d’une artiste en maîtrise de son sujet, consciente de son corps, de son identité ethnique et culturelle, de sa différence aussi.