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Du 2 au 6 mai 2017, 20h, dernier samedi 15h
Pan to gēmu
Texte et mise en scène Nicolas Jobin
Avec Nicolas Jobin et Raphaël Posadas 

Michaël Bernier, mieux connu au Japon sous le nom de Hokkyokuguma (Ours polaire), n’en est plus qu’à quelques minutes seulement de fouler, pour la première fois, le mythique sol du Kabuki-za de Tokyo. Ex-joueur de hockey semi-professionnel québécois devenu acteur kabuki, il y fait ses débuts comme onnagata

Dans la frénésie du trac, par le récit de ses souvenirs, il plonge le spectateur au cœur des grands rites de passage qui mènent à la vie adulte, à l’identification et à l’affirmation de soi. Il y évoque pareillement les rêves brisés et les accidents de parcours fructueux. 

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Alors qu’il est aisé d’admettre que sport et culture sont le plus souvent opposés, les créateurs de Pan to gēmu (パンとゲー), issus de la danse, du cirque et de l’opéra, se revendiquent des deux. Pour eux, le football demeure l’exécution de superbes chorégraphies composées avec rigueur, tandis que l’opéra, comme le hockey, est un sport rude, teinté de finesse. Devant cette dualité crasse, ils proposent à Premier Acte ce spectacle traitant du hockey comme objet culturel, cultuel, chorégraphique et sonore qui trouve ses repères dans son rapprochement avec le kabuki, une forme théâtrale qui se situe à la rencontre du formalisme classique et de l’impétuosité populaire.

En résulte un solo théâtral qui emprunte équitablement à la danse, à la musique et à la performance pour raconter un dessein exceptionnel, presque œcuménique dans ce contexte, celui d’une conversion par l’ouverture.


Section vidéo


Assistance à la mise en scène : Raphaël Posadas
Conception Olivier Bussières, Maryse Damecour, Nicolas Jobin et Alexandre Le Blanc

Prix courant : 27 $
30 ans et moins - aînés : 21 $
Groupe (15 personnes et plus): 17 $
4 billets : 80 $
6 billets : 100 $
8 billets : 120 $

 * Nourriture et boissons seront offerts tout au long de la représentation. 

Une production Opus Neuf


Premier Acte
870, de Salaberry
Billetterie : Réseau Billetech 418-694-9656
ou lepointdevente.com
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Critique

Le Japon est à l’honneur ces jours-ci dans les théâtres de Québec, alors qu’on présente Rosépine aux Gros Becs et Pan to gēmu (que l’on peut traduire par Du pain et des jeux) à Premier Acte, la plus récente création de Nicolas Jobin et d’Opus Neuf.






Crédit photos : François Angers Photographe

Encore une fois, le petit théâtre du côté ouest de la rue Salaberry propose un spectacle qui ne ressemble en rien à ce qui se fait ailleurs dans les salles de la belle Capitale. Présenté une première fois lors des Chantiers du Carrefour en 2015, le public peut, ces jours-ci, mais pour cinq soirs seulement, apprécier ce petit joyau brut qu’est Pan to gēmu.

Nicolas Jobin incarne Michaël Bernier, un jeune homme qui ne trouvait pas sa place dans le système scolaire québécois. Déprimé année après année par la rentrée scolaire et la saison automnale, c’est la neige qui l’aura sauvé. Rapidement, il s’entiche de sport, de hockey. Il a du talent, mais n’arrive pas à se démarquer, sauf en frappant ses adversaires. Il est engagé par une équipe semi-professionnelle en tant que goon, mais c’est grâce à l’entourage de l’équipe qu’il découvre sa seconde passion : la danse. Un certain docteur Roberts, plutôt progressif dans son approche, propose aux sportifs de jumeler football et ballet lors de séances de crossfit. De fil en aiguille, l’homme découvre le butō, se retrouve au Japon et fait ses débuts comme onnagata (un homme qui interprète un rôle féminin) dans un grand théâtre kabuki de Tokyo.

À l’instar de son personnage principal, la pièce échappe à toute classification des genres. Pan to gēmu s’avère une magnifique autofiction où l’homme, sous le trac de la première, se livre à un public réel ou imaginaire, en racontant sa vie et son parcours atypique. Abordant les thèmes de la différence, des rites de passage menant à la vie adulte et à l’affirmation de soi, la pièce réussit avec brio à amalgamer la culture américano-québécoise (citant au passage Kerouak et Lemoyne) et celle, plus codifiée, des Japonais. Le jardin zen au centre de la salle, où le riz prend la place du sable, devient patinoire, ou encore surface de projection. Les masques de gardiens de but, à l’ancienne, sont peints à la manière de créatures mythiques du Japon. Le soin apporté aux chorégraphies et aux mouvements (Maryse Damecoeur et Nicolas Jobin) permettent aux spectateurs de plonger sans peine dans ce récit extraordinaire.

Comme un match de hockey, la pièce est présentée en trois actes de vingt minutes, entrecoupés de deux pauses (qui peuvent malheureusement s’étirer en longueur). Lors du premier entracte, avec beaucoup d’humour, Jobin revient sur sa prestation, comme un joueur de la ligue nationale le ferait avec un journaliste ; lors de la seconde, Raphaël Posadas (Le K Buster) vient amuser la foule avec de petits jeux sur des airs kitsch nippons. Posadas, qui assiste à la dramaturgie et à la mise en scène, interprète le narrateur kabuki ; c’est avec surprise que l’on constate qu’il maîtrise plutôt bien plusieurs répliques en langue japonaise – bien coaché par Ryunosuke Yamazumi. Il utilisera ses talents de marionnettistes lors d’une séance d’ombres chinoises, au moment où Jobin donnera quelques explications sur le kabuki, un art théâtral qui n’est pas si loin de certains rites des arénas d’ici, durant lequel on mange, boit et scande les noms des personnages lorsqu’ils entrent en scène.

Postés dans un coin, Alexandre Leblanc (contrebasse) et Félix Munger (percussions) proposent une trame musicale inspirée du pays du soleil levant, mais aussi du jazz (Thelonious Monk) et du contemporain (Lou Harrison, John Cage). Autant la musique vient superbement rythmer les mouvements, autant elle crée une tension soutenue lors de scènes clés.

Michaël Bernier, ou Hokkyokuguma (Ours polaire), tel que surnommé par les acteurs japonais, ne voulait pas être comme les autres. Il y sera parvenu, tout comme les créateurs auront réussi à monter ce réjouissant spectacle hybride, teinté de rudesse et de finesse.

02-05-2017