C’est bien connu, l’image vaut mille mots. Et l’objet alors ? Combien de mots vaut-il ? Lequel des deux, du mot ou de l’objet, met l’autre au tapis ? C’est bien ce que la Pire Espèce et ses acolytes cherchent à élucider à travers ce match féroce de l’objet versus le mot !
L’objet au théâtre : outil, personnage, symbole... quoi encore ? Afin de cerner l’objet, de le traquer, de le disséquer, d’en révéler l’infini pouvoir d’évocation, la Pire Espèce a produit en 2011 et 2012 quatre cabarets pour élargir l’univers du possible. Car notre civilisation en sait résolument trop peu sur les possibilités de l’objet au théâtre! Olivier Ducas et Francis Monty se lancent ainsi dans la science et invitent plusieurs artistes à se joindre à l’expérience. Prenant la courte forme comme laboratoire de recherche et le cabaret pour présenter leurs découvertes, ensemble, ils dissèquent l’anatomie de l’objet.
Dans sa série de cabarets d'objets, la compagnie présente, lors du festival Les trois jours de Casteliers, sa quatrième conférence peu ordinaire : L'anatomie de l'objet – traité n° 4. Fidèles à leur méthodologie, Olivier Ducas et Francis Monty invitent des artistes à réfléchir avec eux sur le théâtre d'objets et à présenter leurs savants résultats lors d'un étonnant «cabarethéâtral».
Depuis 1999, LA PIRE ESPÈCE emprunte ses techniques aux différentes disciplines du théâtre telles que la marionnette, le clown, le cabaret, le théâtre d'objets. Elle cherche à développer un art vivant, novateur et accessible et vise un rapport direct avec le public, au profit d'une plus grande complicité avec le spectateur. Parmi ses créations, elle compte : Ubu sur la table, Persée et Roland, la vérité du vainqueur et Die Reise ou Les visages variables de Félix Mirbt.
Section vidéo
deux vidéos disponibles
Musicien: Nicolas Letarte et Mathieu
Doyon
Scénographe: Julie Vallée-Léger
Directrice technique et régie:
Clémence Doray
Anatomie de l'objet: traité no 1 [lire]
Anatomie de l'objet: traité no 2 [lire]
Anatomie de l'objet: traité no 3
Cartes Prem1ères
Date Premières : toutes les représentations
Régulier 18$
30 ans et moins 15$
65 ans et plus 15$
Milieu culturel 15$
Carte Prem1eres 9$
LE 7 MARS À 22H, À LA SORTIE
DU CABARET , NE MANQUEZ PAS
LA COURTE FORME DE THÉÂTRE
D’OBJET VARIATION HAMLETIQUE:
IL Y A QUELQUE CHOSE DE
POURRI PAR PIERRE PORCHERON
(FRA NCE )
Production du Théâtre de la Pire Espèce
par David Lefebvre
Devenu après quelques cabarets un véritable happening du théâtre d'objets et de manipulation, les traités Anatomie de l'objet sont offerts pour une quatrième et dernière fois (vraiment?) aux Écuries, juste avant la tenue du festival des Trois jours de Casteliers. Peut-être la question suivante vous vient-elle à l'esprit : mais où diantre est passé le troisième cabaret? Présenté en Absurdistan et traitant de l'invisible, il fut majestueux, et le mot est faible. Des numéros éloquents de… transparence. Terme de balivernes, revenons au laboratoire qui nous intéresse.
Après avoir abordé l’inanimé, puis la dimension et l’espace de l’objet, le sujet d’expérimentation porte sur l'objet versus le mot. Laquelle de ces deux entités est la plus puissante, la plus évocatrice au théâtre? Est-ce que le champ sémantique est plus grand que le langage? Peut-on ou doit-on adapter un objet au théâtre, ou si le théâtre doit s'adapter à lui? Est-ce que l'objet annule ou augmente le sens des mots? Objet, langage et ses dérivés : un thème foisonnant et fantastique à creuser. Si bien que tous les numéros présentés ont été conçus uniquement pour ce traité. Et chacun d’entre eux vaut certainement le coup d’œil.
Monsieur Poulpe et Marcus (les impayables Mathieu Gosselin et Alexandre Leroux), acolytes de toujours et vulgarisateurs hors pairs, sont au rendez-vous pour éclairer de leurs savantes réflexions ce quatrième traité. Ils accueillent avec intérêt le duo féminin Christine Plouffe et Véronique Poirier pour une muette, rigolote et inventive opération à livre ouvert ; Olivier Ducas et Francis Monty, en pédagogues scientifiques, font la démonstration de façon plutôt verbeuse mais avec humour et « doigté », quitte à en perdre un ou deux pour la cause, du « théâtre réel », et Marcelle Hudon, dans la peau d’un de ses personnages attachants, qu’elle recycle pour la cause, associe un mot de chacune de ses phrases à un objet. Calembours et jeux de mots à profusion.
Après plusieurs comparses français parmi les invités des premiers cabarets, c'est au tour du Mexique d'être noblement représenté par Lesly Velasquez et Marco Rojas, de la Compañía Titular de Teatro de la Universidad Veracruzana. La charmante Mexicaine, accompagnant Olivier Ducas, interprète un roi arabe dans une histoire de dédale babylonien ; ce numéro est l’un des plus réussis de la soirée, grâce notamment au talent des deux manipulateurs, mais aussi au petit décor, fait de caisses de bois et de cubes imprimés, et aux marionnettes créées simplement grâce à des sacs de sable formant le corps, affublés d’une tête gravée et manipulée par une tige. En compagnie de Gosselin et Leroux, Marco Rojas, lui, adapte l’histoire du roi Minos et du taureau de Poséïdon. Cupidité, obtention du pouvoir à tout prix, il y a certainement matière à réflexion et à expérimenter davantage sur le sujet. Quelques surprises viennent aussi agrémenter la soirée, dont deux courts vidéos du duo Doyon-Rivest, où quelques danseuses, une lettre sur le ventre, se mélangent pour former différents mots, ainsi que la première capsule de la future encyclopédie sur l’objet, par la Pire Espèce – ce projet sera inéluctablement à suivre, s’il se concrétise.
Les musiciens Nicolas Letarte et Mathieu Doyon sont eux aussi de retour, quoique plus discrets, créant l'univers sonore de la plupart des numéros présentés.
Ce cabaret s’avère être le plus complet et le plus homogène des trois que nous ayons eu la chance de voir à Montréal. Une mise en scène plus élaborée, des transitions efficaces, une uniformisation du propos pour chaque numéro présenté, cet Anatomie de l’objet conclut la série d’une excellente manière.
Après le cabaret du 7 mars 2012, a eu lieu l’unique représentation en sol montréalais de la courte forme Il y a quelque chose de pourri, de Pierre Porcheron. Si le nom vous est familier, c’est que le comédien français sera de la distribution d’Ernest T, à l’affiche lors des Trois jours de Casteliers cette année. Il serait dommage de passer sous silence cette création toute shakespearienne, maladroite, festive et sanglante, invitée par le Théâtre de la Pire Espèce. Dans un castelet de fortune, un homme concocte une version de Hamlet, avec quelques bouts de ficelles, une fourchette, une bouilloire, une rose, et quelques autres accessoires, et ce, le plus sérieusement du monde. Malchanceux, l’homme se cogne partout, casse les objets, fait tomber les rideaux, au grand plaisir des spectateurs qui s’esclaffent et rient de sa gaucherie. Si le procédé rappelle énormément Ubu sur la table en plus clownesque, Porcheron nous offre tout un résumé de cette pièce mythique, où le sang coule à flot et les clins d’œil au cinéma américain abondent, de l’Exorcisme au Parrain. Terriblement sympathique et amusant.