Grand voyageur, captivé par l’Afrique, le metteur en scène Philippe Ducros s’est entouré de trois artistes d’origine congolaise maintenant installés à Montréal pour mitonner cette étonnante adaptation du roman autobiographique Samantha à Kinshasa de Marie-Louise Bibish Mumbu.
La formidable comédienne à l’énergie contagieuse Gisèle Kayembe occupe l’espace central, personnifiant la narratrice du récit, journaliste qui quitte sa ville natale en quête d’un pays qui lui offrira l’espace pour rêver. Elle nous entraîne à travers ses souvenirs, dans les rues grouillantes de Kinshasa, bruyante, odorante et très vivante mégapole de 12 millions d’habitants.
À sa droite, un bar, ouvert pendant tout le spectacle et tenu par Papy Maurice Mbwiti. À sa gauche, un comptoir où prennent place l’auteure et le metteur en scène. Ils commentent les tableaux et discutent de la situation géopolitique du pays, tout en cuisinant un plat de poisson salé à la congolaise, manioc et plantin, qu’ils feront plus tard déguster au public.
Formule atypique à la croisée du conte urbain, du talk-show et de la bouffe entre amis, la soirée est passionnante, détendue, chaleureuse; touchante, souvent troublante mais incontestablement festive.
Section vidéo
Assistance à la mise en scène et régie Manon Claveau
Éclairages Thomas Godefroid
Scénographie Julie Vallée-Léger
Direction technique et de production Caroline Turcot
Direction administrative Marie-Christine André
Communications Marie Semel
Photo David Ospina
Durée 1h45
Achat à l'unité : 48$
* Taxes et frais de service inclus
Le roman Samantha à Kinshasa est publié chez Recto-Verso
Production Hôtel-Motel
Théâtre Périscope
2, rue Crémazie Est
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne
autre critique disponible, publiée lors de la création de la pièce à Espace Libre en 2015
On plein ciel, entre Kinshasa et Paris, une journaliste se remémore son pays, qu’elle quitte à contre-coeur, avec honte même, mais sans qu’elle ne puisse faire autrement.
Avec Bibish à Kinshasa, le metteur en scène Philippe Ducros nous entraîne dans un véritable théâtre-documentaire. Revenu transformé d’un séjour en République du Congo en 2010, l’homme de théâtre avait manifestement tant de choses à dire sur le sujet qu’une fiction n’aurait pas suffi.
La pièce s’articule donc à la manière d’un panel de discussion, entrecoupé d’extraits du roman Samantha à Kinshasa, de l’auteur congolaise Marie-Louise Bibish Mumbu. Les extraits narrés de main de maître par la comédienne Gisèle Kayembe nous transportent à Kinshasa, à la rencontre de ses habitants, qui prennent vie sous nos yeux grâce au talent de la comédienne. Ducros «anime» le panel de discussion en interviewant l’auteure sur la vie dans la République démocratique du Congo, tout en cuisinant un plat typique qui embaumera lentement la salle.
La force de cette pièce réside dans la portion narrée par Kayembe – avec son langage coloré, les arômes du plat qui mijote qui s’élèvent jusqu’à nous et la musique de Kinshasa qui nous donne envie de danser, on est littéralement transporté dans ce pays lointain. On connaît la réalité, les morts qu’on ne compte plus, la guerre, la misère… Mais en écoutant les mots de Bibish, on ressent quand même la joie de vivre de ce peuple, que rien ne semble pouvoir abattre, et qui fait la fête en dépit de tout.
La portion panel de discussion, bien que fort intéressante, coupe un peu ce rythme auquel on voudrait s’abandonner. Ducros maîtrise son sujet à la perfection et dirige les échanges de main de maître – l’homme ferait un excellent intervieweur. Toutefois, on aurait aimé connaître davantage l’histoire personnelle de l’auteur, alors qu’on nous brosse davantage un portrait du pays. L’échange est instructif, pertinent et accessible, mais on rompt avec l’émotion qui se construit pas à pas avec les extraits de roman.
Le panel de discussion est accompagné d’un bar, dont l’enseigne OUVERT s’allume lors des discussions, invitant les spectateurs à aller s’y approvisionner. Malheureusement, la portion cabaret au Périscope se limitait à quelques tables – l’exercice de quitter sa place dans les sièges en estrades a certainement limité l’utilisation de ce service.
Le spectacle se termine alors que l’avion atterrit à Paris, et que le plat est prêt à servir. Ducros invite alors les spectateurs sur scène, pour poursuivre la discussion et goûter à ce qui mijote depuis le début de la pièce.
Bibish de Kinshasa propose une rencontre, une découverte avec un peuple qu’on voit trop peu souvent sur scène – c’est suffisant pour nous donner envie de festoyer avec lui, en dansant et en chantant!