Reality est inspiré d’un reportage journalistique à propos d’une Polonaise, nommée Janina Turek, qui a consigné minutieusement pendant plus de cinquante ans toutes les données factuelles de sa vie. Après sa mort, sa fille a découvert des centaines de carnets où étaient notés chaque appel téléphonique, chaque repas, chaque rendez-vous, chaque émission de télé, chaque sortie, etc. Aucun commentaire, aucun sentiment; que des faits objectifs, que la réalité.
Si la vieillesse et la mort semblent tisser le fil rouge qui relie les deux spectacles (Reality et Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni), la gravité du sujet est tranfigurée par la simplicité et la légèreté avec lesquelles il est parcouru, d’une façon ludique et avec beaucoup d’humour. À la manière d’une enquête, par un jeu de reconstruction qui évite la linéarité du récit, les créateurs imaginent, explorent et mettent en dialogue les vies des protagonistes, effectuant de constants allers-retours entre réel et fiction, répétition et représentation, acteur et personnage. À travers les paradoxes de ces cinq destins à la fois ordinaires et extraordinaires, c’est toute la beauté, la poésie et la force de la vie qui éclatent, en une touchante ode à l’inutile, au difficile, au temps qui passe, à la fragilité humaine.
Lumières Gianni Staropoli
Collaboration au projet Marzena Borejczuk
Organisation Anna Pozzali
Accompagnement et diffusion internationale Francesca Corona Communication PAV
Photo Silvia Gelli
Durée 1h
Achat à l'unité : 48$ ou 80$ en programme double**
* Taxes et frais de service inclus
** Reality et Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni : possibilité d'achat des deux en programme double.
Production A.D., ZTL_Pro, Festival Inequilibrio/Armunia
Avec la collaboration de Fondazione Romaeuropa et Teatro di Roma résidences de création Festival Inequilibrio/Armunia, Ruota Libera/Centrale Preneste Teatro, Dom Kultury Podgórze avec le patronage du Istituto Polacco di Roma avec le soutien de Nottetempo, Kataklisma/Nuovo Critico, Istituto Italiano di Cultura a Cracovia, Dom Kultury Podgórze
En collaboration avec le Festival TransAmériques (FTA).
Théâtre Périscope
2, rue Crémazie Est
Billetterie : Carrefour - 418-529-1996 - 1 888 529-1996
Adresse : 369, rue de la Couronne, 4e étage, billetterie en ligne
lire aussi la critique d'Olivier Dumas, publiée lors du FTA 2016
Seconde soirée au Périscope, avec les Italiens Daria Deflorian et Antonio Tagliarini qui présentaient cette fois-ci aux festivaliers leur spectacle Reality. La pièce, inspirée d’un reportage de 2011, se penche sur Janina Turek, une Polonaise de près de 80 ans décédée dans la rue suite à un infarctus. Elle aurait laissé derrière elle 748 carnets dans lesquels elle notait tout, par catégorie : ce qu’elle mangeait, les personnes qu’elle rencontrait dans la rue, les appels reçus, les rendez-vous. Tout est numéroté, comptabilisé : 5817 cadeaux offerts, 70 042 émissions de télé regardées, 110 pièces de théâtre. Durant 50 ans, d’une écriture fine, sans rature, elle notera sa vie le plus objectivement possible, en n’omettant aucun fait. Véritable archiviste du quotidien – on pense alors à Vivian Meier, la photographe anonyme aux 100 000 négatifs découverts après sa mort – , la dame laissera pourtant un vide béant entre les mots de ses carnets d’où n’émane aucune émotion.
À l’instar de leur autre pièce, Ce ne andiamo…, Deflorian et Tagliarini débute la représentation dans une aire de jeu totalement épurée, en réfléchissant sur la manière dont on joue la mort sur scène. Les deux acteurs tentent quelques postures, proposent une chute, imaginent des accessoires qu’elle aurait pu avoir dans les mains au moment de son décès subit. La succession de saynètes entraîne une réflexion naturelle et fort à propos sur le théâtre, la création d’un personnage et la représentation de la réalité sur les planches. À force d’interpréter sa mort, on la réinvente, on l’amplifie, on s’éloigne de la réalité pour en créer une seconde. Puis, on retourne à la première, en se basant sur les faits des cahiers, essayant de comprendre pourquoi, en 1957, elle n’a pris qu’un café noir pour déjeuner. Que s’est-il passé sur le paillasson de la maison en 1943 ? Est-ce qu’on peut confiner la réalité uniquement dans des faits? Les deux acolytes créent alors de toute pièce des moments de digression, de colère, de joies. Mais ces bouts de vie resteront des fantasmes, qui retiennent les deux créateurs, sentant qu’ils ne rendent pas justice à la Polonaise.
Deflorian et Tagliarini s’interrogent ainsi sur leur art, sur la vie, sur notre perception de la réalité. Tout aussi investis que détachés, d’une justesse toujours impeccable et avec beaucoup d’humour, ils jettent un regard immensément humain sur cette fascinante et étonnante femme qui devait impérativement se défaire de son existence, en la couchant sur papier, pour mieux la saisir ou la contrôler. Et la finale, qui laisse soudainement Cracovie pour Bali, expliquant le concept de certains spectacles chorégraphiés, mais joués derrière d’immenses toiles, déstabilise complètement. Pourtant, cette dernière scène n’est pas là par hasard : elle rappelle que le théâtre et la réalité sont des concepts bien distincts, mais qui seront toujours réunis par la force de l’imagination.