Fasciné tant par le vivant que l’inanimé, et surtout par
ce qui se dérobe à notre regard, Philippe Quesne tisse
avec beaucoup d’humour des métaphores inusitées
de notre condition humaine. Avec La Nuit des taupes, il
campe un formidable monde souterrain dans un décor
fait de carton, de plastique, de mousse et de bois, un
microcosme fantastique... peuplé de taupes géantes !
Dans cet univers allégorique qui s’apparente tant à une
grotte préhistorique, à la caverne de Platon qu’à un abri
nucléaire, les taupes creusent leurs galeries et leurs tunnels,
transforment leur habitat et vaquent à leurs activités
quotidiennes. Sans dire un mot, mais non sans grommeler,
elles besognent, copulent, se reposent, meurent, tiennent
conciliabule, donnent naissance, bricolent, font bombance
et... jouent merveilleusement bien de la musique !
En observateur de cet insolite mais familier bestiaire imaginaire, le public s’invente sa propre fable, sa propre histoire.
La Nuit des taupes est tout à la fois conte philosophique, tableau vivant, théâtre musical, opéra rock et comédie burlesque, autant vestige de temps anciens que récit d’anticipation. Le metteur en scène Philippe Quesne en fait un hommage aux utopies, aux cultures underground, aux musiques de sous-sol, et certainement à l’art comme l’un de nos derniers refuges en cette époque troublée et inquiète. De son théâtre lucide, profond et candide, surgit une délirante parabole de notre humanité et de notre manière de vivre en communauté qui surprend, émeut, fait rire et réfléchir.
Conception, mise en scène et scénographie Philippe Quesne
Interprétation Yvan Clédat, Jean-Charles Dumay, Léo Gobin, Erwan Ha Kyoon Larcher, Sébastien Jacobs, Thomas Suire, Gaëtan Vourc’h
Crédits supplémentaires et autres informations
Costumes Corine Petitpierre, Anne Tesson
Collaboration dramaturgique Léo Gobin, Lancelot Hamelin, Ismael Jude, Smaranda Olcèse
Collaboration artistique et technique
Marc Chevillon, Yvan Clédat, Élodie Dauguet, Abigail Fowler, Thomas Laigle
Photo
Durée 1h20
Avec la participation de Research Group « Behavioral Objects » – coordination Samuel Bianchini, Quai Malaquais Atelier dirigé par Jordi Colomer.
Spectacle présenté en collaboration avec le Festival TransAmériques (FTA). (Du 3 au 6 juin 2018, 20h)
Rencontre après la représentation du 30 mai
ACTIVITÉS SATTELITAIRES
(voir page d'accueil pour les détails)
LA PARADE DES TAUPES
Mardi 29 mai, 17 h
Départ du Grand Théâtre de Québec - déplacé au coin Cartier et René-Lévesque
Les taupes sortent de leur terrier avant leur spectacle La Nuit des taupes et visitent Québec à la lumière du jour. Pourquoi ne pas en profiter pour les suivre dans leurs pérégrinations ? Du Grand Théâtre de Québec au Musée des beaux-arts du Québec en passant par la rue Cartier, laissons-nous guider par ces rongeurs curieux, enjoués et un peu maladroits. Une déambulation loufoque et poétique à ne pas manquer.
REGARDS CROISÉS
Bilan critique
8 juin - formule 5 à 7
Production Nanterre-Amandiers, centre dramatique national
autre critique disponible (FTA 2018)
Les férus du Carrefour connaissent possiblement déjà Philippe Quesne grâce à la pièce L’effet de Serge, proposée aux festivaliers en 2010. Ce metteur en scène belge, qui accorde une importance primordiale aux matériaux, aux couleurs et aux textures, propose un théâtre qui se rapproche du symbolisme. Il déroge ici un peu de ses habitudes pour créer un monde souterrain, une pièce qui touche au primitif, à l’utopie, au grotesque. Bienvenue à Caveland.
Sept taupes, rappelant les nains d’une certaine Blanche Neige, déboulent dans une cage de scène. Une véritable pièce toute blanche, avec murs et plafond, que les boules de poil s’empressent de démolir à coup de pattes et de pioche. Tel un hommage à la culture underground, à ceux et celles qui se terrent pour vivre leur vie, leurs passions, La nuit des taupes se déroule comme un songe éveillé, dans la fumée des profondeurs des rêves.
Vêtus de costumes rembourrés, les comédiens-musiciens (Yvan Clédat, Jean-Charles Dumay, Léo Gobin, Erwan Ha Kyoon Larcher, Sébastien Jacobs, Thomas Suire, Gaëtan Vourc’h), telles des marionnettes géantes, ne craignent rien. Ils sautent, glissent, roulent, construisent et démolissent tout. Dans ce nouveau terrier, un peu comme les coléoptères coprophages, elles poussent et accumulent des «rochers-bouse» (en mousse, permettant quelques cascades). Elles fouillent, défoncent, grommellent, accouchent même ; en une courte nuit, un monde se fait et se défait, sous nos yeux. Les instruments de musique, côté cour, sont rapidement mis à contribution ; le thérémine, avec ses sons électroniques d’une grande fluidité, évoque l’espace, la profondeur, l’étonnement, le mystère et la crainte. Vient ensuite la basse, qu’on percute et traine par terre, frottant les cordes avec différents bâtons pour produire des sons parasites. La guitare et la batterie complètent le quatuor pour quelques partitions plus harmonieuses. Les mélodies accompagnent la vie des bestioles géantes ; on reconnait le Ne me quitte pas de Brel, alors que les taupes assistent à la mort d’une d’entre elles. La musique vient ensuite faire dandiner les derrières ou permettre un réel défoulement, alors qu’on passe d’une pièce aux inspirations surf au punk, avec une finale rock extraordinaire.
La scénographie, d’abord cloisonnée, se dévoile tout au long de la pièce, jusqu’à devenir une immense grotte remplie de stalagmites et stalactites, d’estrades, de glissade, de geysers de lumière et de fumée.
Microcosme animalier aux étranges cérémonies, La nuit des taupes - possiblement la plus saugrenue des invitations faite par le Carrefour cette année - se révèle singulière, rendant hommage à une certaine liberté, loin des contraintes sociales, dévoilant une vie primitive, certes, mais incarnée, animée, délurée.
31-05-2018