Le Ningyô-Jôruri ou théâtre de poupée (Bunraku)
Le Ningyô-jôruri ou Bunraku, qui tire son nom d'une salle (bunraku-za - elle fut ainsi nommée en hommage à Uemura Bunrakuken, chanteur au XVIIIe siècle de jôruri (drame récité) ouverte à Osaka en 1872 et qui depuis est la seule à présenter exclusivement ce genre théâtral, est apparu à Osaka au XVIIe siècle, créé par un chanteur de jôruri nommé Gidayu. Cet art est le descendant direct de marionnettes à fils, qu'on suppose d'origine coréenne et qu'utilisaient au XVe siècle des moines bouddhistes nomades, pour leur propagande religieuse, mais qui, sous la pression populaire, durent adapter et improviser des histoires plus profanes. Cette forme artistique de renommée mondiale est une combinaison de plusieurs disciplines : la manipulation des poupées, l'art de conter (jôruri), et la guitare japonaise (shamisen - instrument à long manche et à trois cordes).
Une pièce de jôruri apparaît en fait comme un long récit dans lequel s’intègrent les dialogues. Ces récits, déclamés, sont coupés par endroits de scènes lyriques, longs poèmes chantés par plusieurs interprètes, accompagnés au shamisen, ou plus rarement au koto, cithare à 13, 17 ou 19 cordes, ou au kokyû, instrument analogue au shamisen, mais pour lequel on se sert d’un archet. Mis à part ces interludes qui sont, en général, des « chants de route », lorsque les héros de la pièce partent en voyage, ou encore des intermèdes dansés par une ou plusieurs poupées, lorsque leur personnage s’y prête, tout le texte est interprété par un seul récitant à la fois. Ce récitant est relayé après une demi-heure à peu près, car son rôle est exténuant. Assis sur une étroite plate-forme qui prolonge la scène sur la droite et vers la salle, soutenu par un shamisen qui ponctue sa déclamation, il annonce le sujet, évoque le décor, décrit les personnages qui apparaissent, comme évoqués par sa voie, et enfin les fait parler. Cette voix alors se fait multiple, passant sans transition du registre grave et solennel du père noble à l’ironie ricanante du traître, en passant par les inflexions maniérées de la jeune première ou le timbre flûté d’une fillette.
Le Bunraku est donc composé récitants qui chantent tous les rôles (le récitant est appelé tayû), et de trois manipulateurs pour chaque marionnette. Les marionnettistes sont à vue du public et utilisent soit la gestuelle furi, plutôt réaliste, soit la gestuelle kata, empreinte de stylisation, selon l'émotion recherchée. Les marionnettes du Bunraku mesurent entre 70 et 90 cm de hauteur. La tête est en bois et creuse. Elle contient des mécanismes servant à faire bouger les yeux, les sourcils, la bouche et dans certains cas, comme dans la poupée de Gabu, séparer le visage en deux pour faire apparaître une face de démon. Cette tête est posée sur une espèce de croix en bois où sont fixés les bras et les jambes, le tout recouvert par de superbes kimonos superposés. De cette croix partent des cordelettes et des ressorts qui commandent aux poignets de pivoter, aux doigts de bouger ou aux phalanges de saisir un sabre. La manipulation de ces poupées nécessite un maître marionnettiste et deux assistants. Les manipulateurs respectent une hiérarchie réglée en fonction de leur degré de connaissance dans l'art du Bunraku : le maître (omozukai - 20 ans de métier), au visage découvert, passe le bras gauche dans la poupée pour contrôler la tête et son bras droit dans la manche droite. Un assistant contrôle le bras gauche et l'autre (le novice) les pieds. Ces deux assistants sont de noir vêtus et cagoulés. Le geste juste exige une synchronisation parfaite. Afin de manipuler plus aisément la marionnette, les manupilateurs se déplacent en position de Kathakli (jambes demi-pliées), ils doivent ainsi faire beaucoup d'exercices physiques et d'assouplissement afin d'être le plus agile possible. Pour les rôles féminins, les marionnettes n'ont pas de pieds ni de mains, les gestes sont ponctués par les mouvements esthétiques de kimono.
Ces poupées s’animaient, à l’origine, sur un simple tréteau sans décors, mais au XVIIIe siècle, sous l’influence du kabuki qui s’était emparé d’une partie de leur répertoire, des décors de plus en plus complexes, de plus en plus somptueux, firent leur apparition. Ces décors sont généralement peints sur de grandes toiles qui descendent des cintres, ce qui permet des changements rapides, aussi rapides que les changements de costume des petits acteurs dont il suffit de transporter la tête sur un autre vêtement apporté tout monté par un aide. Toutes les opérations autres que l’échange d’un décor entier, sont masquées par une cloison dressée sur le devant de la scène à hauteur de ceinture.
La forme spectaculaire du bunraku s’est développée devant le succès grandissant au siècle dernier du kabuki. Ces deux théâtres ont en commun un même répertoire de pièces historiques et de drames bourgeois. Le théâtre Bunraku relate plusieurs histoire pour la plupart dramatiques, dont le répertoire est tiré de l'immense roman de la littérature orale « Histoire en 12 parties de la demoiselle Jôruri » et du théâtre Kabuki. Depuis le XVIIIe siècle, ce théâtre est réservé à une élite cultivée. L'un des plus grands auteurs pour le Bunraku fut Chikamatsu.
Sources images :
http://www.ric.edu/pamental/ japan/bunraku.html
http://www.city.nagareyama.chiba.jp/
http://www.soi.city.ac.uk/~sjm/Japan.html