Espace GO,
2, 3, 4 juin : 20h
Import / Export
Porte Parole (Montréal)
Durée: 105 minutes
Une compagnie de vêtements montréalaise décidait récemment de fermer sa manufacture du Québec pour déménager ses opérations en Chine. Doit-on docilement se plier aux règles du marché? Les artisans du collectif Porte Parole posent la question. Un théâtre frontal et engagé, qui interpelle et secoue notre indifférence
Import/Export ne fait pas le procès de la Chine mais pose son regard sur nous, Québécois, à l’heure de la mondialisation. S’appuyant sur les manifestes récents pour un Québec lucide ou solidaire ainsi que sur des documents et témoignages réels, Annabel Soutar, farouche porte-étendard du théâtre documentaire, et toute son équipe de créateurs n’inventent rien : « Chaque mot que vous entendrez dans la pièce a été prononcé dans la vraie vie », annoncent-ils d’entrée de jeu. Par le biais de situations recréées et d’adresses aux spectateurs, ils font du théâtre une plate-forme pour l’échange et la confrontation des idées. La discussion est ouverte! (S.L.)
Texte et mise en scène : Annabel Soutar
Avec : Danielle Desormeaux, Alex Ivanovici, Danette Mackay, Bonnie Mak, Lu Ye et un autre acteur
Scénographie et lumières : Ana Cappelluto
Composition musicale : Alexander MacSween
Costumes : Marija Djordjević
Directrice de production et assistante à la mise en scène : Claudia Couture
Productirice : Anne-Marie Messier
Production : Porte Parole (Montréal)
Coproduction Festival TransAmériques
Adultes :
32,00 $
25 et moins / 65 ans et plus :
22,00$
Crédit photos:
Mary Moegenburg
7 Important Things
Import / Export
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Petits fantômes mélancoliques
Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent
Seagull Play (La Mouette)
Source
: www.fta.qc.ca
par Mélanie Viau
Import/Export est beaucoup plus qu’un documentaire relatant de manière factuelle l’événement entourant la déportation d’une usine de vêtement montréalaise vers cette Chine actuellement glorieuse et prolifique. En usant du médium scénique, du face-à-face entre citoyens québécois, la chef de file du projet, Annabel Soutar, décontextualise les aveux des actants interviewés lors de ses enquêtes (elle a suivi la compagnie en question de mars 2006 à septembre 2007) pour faire de son récit une œuvre appelant le public à s’engager dans la réflexion sur l’économie et la politique gouvernant notre belle province. Encore plus, elle envoie un message à notre inaction. En effet, sommes-nous bons qu’à rédiger des manifestes en criant aux sourds les mots Lucidité et Solidarité ? Savons-nous ce que nous voulons comme peuple ? Quel est le vrai visage du prolétariat d’aujourd’hui ? Reste la résignation, l’acceptation des conséquences de la mondialisation et le «chialage» devant nos écrans, tous enfermés dans notre sécurité. Ici, le théâtre documentaire ne cherche pas à prouver visiblement que l’action est possible, puisque son contenu demeure dans le discours, mais la modalité théâtrale de ce discours démontre que la prise de contact entre les membres d’une même société est primordiale si l’on veut que la crise débouche sur un changement radical.
Ici, la scène devient le lieu de subversion du réel historique et du théâtral. On ne maquille rien et on s’empare de cet espace du regard pour engager un contact véridique. Les six comédiens parlent avant tout en leur nom (ils vont même jusqu’à s’emparer du synopsis de la pièce). Et tout au long du spectacle, ils se font médiateurs entre les ouvriers, les cadres dirigeants, les nouveaux partenaires chinois et nous, en nous citant les propos de chaque être apparaissant au montage. L’ensemble donne un effet cohérent, choquant par moments, sans jamais user de provocation directe et gratuite. Et pourtant, il en ressort un effet d’étrangeté qui titille fortement notre conscience. En effet, on met à l’avant-plan le discours opérationnel de l’affaire dirigé entièrement en anglais, on souligne la dure et terrible réalité des classes mineures de femmes francophones délaissées par la parole, on expose la réalité alarmante des jeunes travailleuses chinoises… Dans l’ensemble, le montage donne un point de vue assez évocateur mais pourrait offrir plus de nuances. Les légères touches d’humour, d’ironie et de cynisme parviennent cependant à atteindre la cible et à soulever quelques indignations de notre part sur le sujet.
Le but du collectif Porte-Parole ? Nous secouer afin qu’on prenne le temps de bien regarder autour de nous et de nous poser enfin LA grande question que doit se poser une société sans Pères : où sommes-nous ?
03-06-2008